Cynisme!

Il y a quelques jours, alors que nous avions passé un moment en ville les enfants et moi, nous arrivons au parking et alors que je m'apprête à payer, mon fils de 8 ans me regarde suppliant et me dit:

- Je peux maman?

-Bien sûr!

Je lui tends mes 3 pièces et je reste sidérée par ce petit bonhomme timide et réservé s'approcher du Monsieur qui fait la manche à côté de la machine et mettre les pièces dans son gobelet.

Je pensais qu'il voulait les mettre dans la machine!

J'ai récupéré d'autres pièces, le Monsieur l'a chaleureusement remercié en nous souhaitant une bonne journée.

J'ai dit à mon fils que c'était très gentil et généreux de sa part et nous avons continué notre chemin.

Dans la voiture, au bout de plusieurs minutes, mon petit soleil me dit:

- Je m'inquiète pour ce monsieur maman! Comment il va faire pour dormir ce soir? Qu'est-ce qu'il va manger ? Pourquoi il est seul? Je suis très inquiet et ce n'est pas juste!

S'est engagée une discussion très sérieuse entre lui et moi. J'ai essayé de clarifier les choses, de le féliciter d'être attentif aux autres tout en le rassurant sur le fait que non, nous ne dormirons jamais dans la rue tous les 4, même si parfois je râle en leur disant qu'il ne faut pas dépenser notre argent sans compter, que parfois les gens sont un peu usés, dépassés par des choses qu'il ne doit pas comprendre etc.

Il est resté là-dessus pendant tout le trajet du retour, soit 35 minutes.

J'ai été fière d'être sa maman, fière qu'il soit si sensible, si généreux, si utopiste, si pur, si candide.

Et puis l'après midi, alors que j'en parlais avec une voisine, je me suis vue dire que c'était extra ordinaire d'avoir un petit garçon comme ça mais que j'étais inquiète qu'il ne soit justement trop candide, trop gentil, trop sensible et que ça lui joue des tours. C'est déjà arrivé, il se laisse facilement entourlouper par les autres et prend tout très très à coeur au point de pleurer pendant de longues minutes en rentrant de l'école parce qu'un enfant l'a traité de "minus"

Et j'ai fait un constat désagréable, j'ai aperçu tout le cynisme de la vie. J'ai découvert que ce qui devrait apparaître comme une grande qualité, comme quelque chose de précieux et de bon présage pour l'avenir me faisait peur. Comme si dans ce monde ou règne la loi du plus fort, du plus égoïste, du plus manipulateur, du plus joueur, du plus froid, mon fils était en danger!

Alors j'ai fait ce que je fais de mieux en mieux: j'ai mis toutes ces pensées dans un petit coin de ma tête, pour me permettre d'être attentive et j'ai décidé que c'était une magnifique qualité que d'être sensible, de s'interesser aux autres, d'avoir envie de voir un monde meilleur et que je devais l'encourager dans cette voie parce que je suis une idéaliste et que je pense sincèrement que c'est en faisant le bien autour de soi qu'on est le plus heureux.

J'ai mis de côté mes craintes, je me suis souvenue que j'étais comme lui et que même si parfois ça m'a joué des tours, même si parfois j'aurai préféré être insensible, privée d'affect, plus forte, plus égoïste, plus mordante, je n'en étais pas moins fière d'être ce que je suis. Parce que je me suis toujours relevée, de plus en plus forte mais jamais de l'autre côté de la barrière. Je peux me regarder dans une glace et dormir sereinement et c'est ce que je veux pour mes enfants!

Peu importe s'ils prennent quelques coups, peu importe s'ils ne deviennent pas présidents de la république, peu importe s'ils ne sont jamais milliardaires, du moment que ce qu'ils ont les rend heureux et fiers d'eux-même, fidèles à leurs principes et qu'ils peuvent se regarder dans une glace tous les jours sans avoir honte de ce qu'ils voient.